Paroles perdues

 

À Stéphane Mallarmé.

Après le bain, la chambrière
Vous coiffe. Le peignoir ruché
Tombe un peu. Vous écoutez, fière,
Les madrigaux de la psyché.

Mais la psyché pourtant, Madame,
Vous dit : « Ce corps vainement beau,
Caduc abri d’un semblant d’âme
Ne peut éviter le tombeau.

« Alors cette masse charnelle
Quittera les os, et les vers
Fourmillant en chaque prunelle
Y mettront de vagues éclairs.

« Plus de blanc, mais la terre brune
Sur la face osseuse. Le soir,
Plus de lustres flambants : La lune. »
C’est ce que dit votre miroir.

Vous écoutez sa prophétie
D’un air bestialement fier.
Car la femme ne se soucie
Pas plus de demain que d’hier.

Collection: 
1862

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J'ai trois fenêtres à ma chambre :
L'amour, la mer, la mort,
Sang vif, vert calme, violet.

Ô femme, doux et lourd trésor !

Froids vitraux, odeurs d'ambre.
La mer, la mort, l'amour,
Ne sentir que ce qui me plaît...

Femme, plus claire que le jour !...

Aux arbres il faut un ciel clair,
L'espace, le soleil et l'air,
L'eau dont leur feuillage se mouille.
Il faut le calme en la forêt,
La nuit, le vent tiède et discret
Au rossignol, pour qu'il gazouille.

Il te faut, dans les soirs joyeux,
Le triomphe ; il...

J'ai rêvé les amours divins,
L'ivresse des bras et des vins,
L'or, l'argent, les royaumes vains,

Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
Parmi les sentiers amusants
Nous irons sur nos alezans.

Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires voeux!...

Quant nous irisons
Tous nos horizons
D'émeraudes et de cuivre,
Les gens bien assis
Exempts de soucis
Ne doivent pas nous poursuivre.

On devient très fin,
Mais on meurt de faim,
A jouer de la guitare,
On n'est emporté,
L'hiver ni l'été...

Le rhythme argentin de ta voix
Dans mes rêves gazouille et tinte.
Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
Qui réveillent ma joie éteinte.

Mais les bois n'ont pas de frissons,
Ni les harpes éoliennes.
Qui soient si doux que tes chansons,
Que tes...