Le Fils des armures

 
À Léopold Flameng.

Tous les ducs morts sont là, gloire d’acier vêtue,
Depuis Othon le Saint jusqu’à Job le Frugal ;
Et devant eux, riant son rire musical,
L’enfant à soulever des armes s’évertue.

Chaque armure, où l’aïeul se survit en statue
Sous la fière couronne et le cimier ducal,
Joyeuse reconnaît d’un regard amical
Sa race, qui déjà joue avec ce qui tue.

Plongé dans un fauteuil de cuir rouge, gaufré
De fleurs d’or, l’écuyer, grand vieillard balafré,
Feuillette un très-ancien traité de balistique.

Et les vieux casques ont des sourires humains,
Cependant qu’au milieu de la chambre gothique
L’enfant chevauche sur une épée à deux mains.

Collection: 
1862

More from Poet

O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
Elle songe sans doute au mal qui m'exila
Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
Car je suis...

Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
Les polkas...

Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,

Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;...

Captif de l'hiver dans ma chambre
Et las de tant d'espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;
Mais, au pays ensoleillé,
Je songe qu'un rayon essuie
Et réchauffe l'oiseau...