Chant de Sapho au bûcher d’Érinne

 
Vous qui passez près de ce monument baigné de larmes, quand
vous descendrez chez Pluton , dites-lui : Dieu des enfers, que tu
es jaloux de la beauté !
ÉRINNE.

Heureuse, ô jeunes Lesbiennes,
La prêtresse du dieu des vers,
Dont les vierges Ioniennes,
Seules, inspirent les concerts !
Heureuse celle qui sommeille
Avant le moment où s’éveille
L’erreur, mère des longs regrets ;
Celle-là meurt digne d’envie,
Qui laisse après soi dans la vie
Des chants purs comme ses attraits.

Pleurez, vierges, pleurez la fille de la lyre
Qui redemande en vain d’un noble et pur délire
Le songe évanoui ;
Celle pour qui la honte à la gloire est unie,
Qui de tout son bonheur a payé son génie ,
Et n’en a point joui ;
Celle qu’atteint l’envie et sa langue mortelle :
Mais ce n’est point Érinne, hélas ! ce n’est pas elle !
 
Chaste vierge, nouvelle amante,
L’hymen réclamait ses appas,
Et j’ai vu sa tête charmante
Flétrie au souffle du trépas.
Brisant ta chaîne commencée,
De ton sort, belle fiancée,
Si Pluton se montre jaloux,
Du moins ton ombre consolée
Sentira sur le mausolée
Tomber les pleurs d’un jeune époux.

Celle qu’il faut pleurer, autrefois sans rivale,
A cherché le bonheur à la clarté fatale
De l’amoureux flambeau.
Elle aima sans mesure, et ne fut point aimée.
Du courroux de Vénus, lentement consumée,
Elle marche au tombeau,
Où ne la suivra point une larme fidèle
Non, ce n’est point Érinne, hélas ! ce n’est pas elle !

Elle a passé comme l’aurore
Qui fuit au sommet des coteaux,
Comme la voix triste et sonore
Du cygne entraîné par les eaux,
Comme la fleur de Cythérée,
Quand les heures de la soirée
Découronnent son front vermeil,
Ou comme la source argentée
Dont l’eau faiblement agitée
S’épuise aux rayons du soleil.
 
Celle qu’il faut pleurer, celle-là souffre encore,
Mais elle attend son heure, et peut-être l’implore.
Elle a vu dans la nuit,
Sur son lit qu’entouraient de sinistres présages,
Les Muses tristement pencher leurs beaux visages,
Et quand le jour s’enfuit,
Il sort des flots glacés une voix qui l’appelle.
Non, ce n’est point Erinne, hélas ! ce n’est pas elle.

Collection: 
1818

More from Poet

 
It is a place full of
Storied and poetical associations...
WASHINGTON IRWING.

Vieux château de Windsor, dont les pierres gothiques
Éveillent d’Albion les harpes romantiques,
Livre au barde étranger quelque grand souvenir,
Qu’il puisse...

 
Zéphire seul doit caresser les fleurs.
PARNY.

 

Le jour paraît, Zéphir s’éveille,
Abandonne le sein des fleurs,
Où, s’enivrant de leurs odeurs ;
Il sommeillait depuis la veille.
Sur son aile il porta cent fois
Aux Dieux l’...

 
Chantez au Seigneur un nouveau cantique, car un petit enfant
nous est né, un fils nous a été donné.
Messe de Minuit.

Entre mes doigts guide ce lin docile,
Pour mon enfant tourne, léger fuseau ;
Seul tu soutiens sa vie encor débile,...

 
It is a place full of
Storied and poetical associations...
WASHINGTON IRWING.

RÉCITATIF.

Dieu des beaux-arts, père de l’harmonie,
Vois régner en ces lieux la guerre et ses fureurs !
Tu m’abandonnes !... dans les pleurs
S’éteint...

 
And the tear that we shed, tho’ in secret it rolls,
Shall long keep his memory green in our souls.
TH. MOORE.

Et les larmes que nous versons, quoiqu’elles coulent en secret,
entretiendront long-temps sa mémoire vivante dans nos âmes.

...