Chanson

Le joli vin de mon ami
N’est pas un gaillard endormi ;
À peine échappé de la treille,
Sans se soucier de vieillir,
Il ne demande qu’à jaillir
De la bouteille.

Le cœur aussi de mon ami
Ne se donne pas à demi ;
Il n’est jamais d’humeur chagrine
Toujours prompt à vous accueillir,
Il ne demande qu’à jaillir
De sa poitrine.

À peine vous êtes chez lui
Que son regard vous réjouit.
Il descend bien vite à la cave,
Et vous en rapporte un flacon
De son petit vin rubicond.
Ah ! le vieux brave !

Mais, où son geste est éloquent
Et religieux, c’est bien quand
Il saisit son verre pour boire ;
Il me semble alors que je vois
Rutiler au bout de ses doigts
Le Saint Ciboire !

Puis, à mesure que le vin
Descend dans ce profond ravin
Qui est son gosier grandiose,
Sa bonne figure apparaît
Resplendissante, on la croirait
En métal rose.

Son âme dans ses yeux fleurit.
Il s’abandonne, et s’attendrit
Sur le sort du commun des hommes
Qui n’ont pas de ce vin subtil
Et potitif. « Pauvres — dit-il —
Gueux que nous sommes ! »

Après boire, cet être en or
Devient plus magnifique encor.
Car, telle est du Vin l’efficace
Qu’il rend meilleurs les braves gens.
Cependant que les cœurs méchants
Il coriace.

C’est merveille que de l’ouïr.
Les mots viennent s’épanouir
Sur sa bouche sacerdotale,
En aphorismes prompts et courts.
Jamais en de trop longs discours
Il ne s’étale.

Son verbe est sagace et prudent,
Il parle comme un président,
Et dit des choses éternelles,
Que je m’abstiens de répéter,
Pour ne pas les beautés gâter
Qui sont en elles.

Que le Seigneur, le Seigneur Dieu
Avant qu’en son paradis bleu
Il ne rappelle à lui ce sage,
Pour trinquer avec ses élus,
Nous le garde cent ans et plus,
Et davantage.

Collection: 
1920

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