1914-1916/Le Serment

Je jure de garder dans mon cœur cette haine
Jusqu’à son dernier battement ;
Que son venin sacré se mêle dans ma veine
À chaque goutte de mon sang !

Que l’on voie à jamais sur mon sombre visage
Sa rude ride sans pardon
Se creuser dans ma chair pour y dire l’outrage
Dont elle marque le sillon !

« Par mes champs dévastés, par mes villes en flammes
Par mes otages fusillés,
Par le cri des enfants massacrés et des femmes,
Par mes fils tombés par milliers,

« Je jure de venger le Droit et la Justice,
De vaincre ou de mourir pour eux,
Moi, la France, et je veux que ma voix retentisse,
Au cœur de mes morts valeureux !

« Et ce double serment de colère et de haine,
En face du ciel, je le fais,
Devant les saintes eaux de la Marne et de l’Aisne
Rouges encor du sang français,

Tandis qu’éblouissante et sacrilège torche
Je regarde, avec un frisson,
Reims, ta sublime nef, du chevet jusqu’au porche,
Qui brûle et croule à l’horizon ! »

Collection: 
1914

More from Poet

 
Je ne veux de personne auprès de ma tristesse
Ni même ton cher pas et ton visage aimé,
Ni ta main indolente et qui d’un doigt caresse
Le ruban paresseux et le livre fermé.
 
Laissez-moi. Que ma porte aujourd’hui reste close ;
N’ouvrez pas ma...

 
« N’avez-vous pas tenu en vos mains souveraines
La souplesse de l’eau et la force du vent ?
Le nombreux univers en vous fut plus vivant
Qu’en ses fleuves, ses flots, ses fleurs et ses fontaines. »

C’est vrai. Ma bouche a bu aux sources souterraines ;
La...

 
O Vérone ! cité de vengeance et d’amour,
Ton Adige verdi coule une onde fielleuse
Sous ton pont empourpré, dont l’arche qui se creuse
Fait l’eau de bile amère et de sang tour à tour !

Le dôme, le créneau, la muraille, la tour,
Le cyprès dur jailli de la...

 
Sépulcre de silence et tombeau de beauté,
La Tristesse conserve en cendres dans son urne
Les grappes de l’automne et les fruits de l’été,
Et c’est ce cher fardeau qui la rend taciturne,

Car sa mémoire encore y retrouve sa vie
Et l’heure disparue avec la...

 
Sois nombreux par le Verbe et fort par la Parole,
Actif comme la ruche et comme la cité ;
Imite tour à tour avec fécondité
La foule qui demeure et l’essaim qui s’envole.

Travaille, croîs, grandis ! que ta hauteur t’isole,
Et dresse dans le ciel sur le monde...